Les explications en cinq leçons...«Les marchés attaquent». L’expression revient souvent pour décrire la crise qui a touché la Grèce, puis l’Irlande et même dans une moindre mesure le Portugal, l’Espagne, la Belgique ou la France. Mais comment les investisseurs déstabilisent les Etats? Les explications en cinq leçons.
Leçon 1 : Attaquer un pays fragile
«Avant tout épisode de spéculation, il y a des fragilités économiques». Comme l’indique Florent Combes, directeur de la gestion taux du fonds Ecofi investissements, les crises ont chaque fois commencé dans des pays trop endettés. Difficile donc de spéculer sur un Etat sain.
Leçon 2 : Prêter cher
Pour se financer, un Etat émet des obligations. Les investisseurs peuvent lui acheter un titre de créance, et recevront alors chaque année un rendement à un taux fixe avant d’être remboursé. Lorsque la dette d’un Etat devient trop importante, les investisseurs craignent que l’Etat ne puisse plus rembourser ces créances et rechignent à acheter ces obligations. Ainsi, Ecofi investissements a cessé d’investir dans les dettes souveraines irlandaise, portugaise et grecque dès 2008. Les investisseurs qui acceptent encore de prêter ne le font plus qu’à des taux très élevés (Jusqu’à 12% pour la Grèce, contre 3% pour l’Allemagne). «Il faut se mettre du côté de l’investisseur», justifie Florent Combes. «Si la dette d’un Etat n’est pas soutenable, il va préférer investir ses fonds dans des obligations moins risquées!»
Leçon 3: Vendre à nu
A mesure que les taux d’intérêts augmentent, la valeur des obligations déjà émises baissent. C’est là que les spéculateurs peuvent entrer en jeu, pour parier sur la baisse. La technique consiste à vendre une obligation que l’on a pas! On la vend au prix du jour, mais on ne l’achètera qu’au moment de la livraison, quelques jours plus tard. En espérant que sa valeur ait baissé entre temps, pour empocher la différence. On appelle cela «la vente à découvert à nu».
Leçon 4: S’assurer contre le risque …
Les investisseurs qui achètent des obligations d’Etat peuvent s’assurer contre le risque de faillite. Ils signent un contrat, appelé CDS (Credit Default Swaps) avec un émetteur qui s’engage à leur rembourser les fonds investis si l’Etat concerné fait défaut. Lorsque les craintes sur la dette d’un Etat s’intensifient, les prix de ces assurances grimpent à leur tour.
…sans prendre de risque
Sauf que certains spéculateurs décident alors d’acheter ces contrats d’assurance… sans même avoir acheté une obligation. «C’est comme si l’on faisait assurer sa maison sans avoir de maison», compare Pascal Canfin, député européen Europe Ecologie. Les spéculateurs achètent des CDS, en espérant que leur prix augmente, afin de les revendre quelques jours plus tard et là aussi empocher la plus-value. «Le problème c’est qu’il suffit que quelques fonds spéculatifs se mettent à acheter des CDS pour faire grimper les prix. Ceux qui détiennent les obligations se disent alors que le risque augmente, et donc... rachètent à prix fort ces mêmes CDS aux fonds spéculatifs», dénonce Pascal Canfin.
Leçon 5: Spéculer sur tous les tableaux
«Ce sont les mêmes investisseurs qui parient sur la baisse des obligations et la hausse des CDS: les fonds spéculatifs», avance Pascal Canfin. Ca tombe bien, une baisse des obligations fait augmenter le prix des CDS et vice-versa. Sauf que la spirale de la crise de la dette souveraine est alors enclenchée, et qu’il devient presque impossible de revenir en arrière. La Grèce et l’Irlande en ont fait les frais.
Thibaut Schepman
Source 20minutes.fr